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14 Jan 2016

Al-ghachi et le gâchis

 

C’est l’État civil qui opère la différence entre les gens. Au-delà, c’est le peuple formant nation, en deçà, c’est « al-ghachi » générant le gâchis. L’on ne peut jamais faire du neuf avec du vieux. Ennemi du changement, le gouvernement algérien se reconduit en renommant ses séniles aux postes clés de la Nation qui s’efface davantage devant la poussée de la médiocrité. Sur quarante millions d’Algériens, il n’éxiste qu’une poignée d’usurpateurs autorisés pour verrouiller la vie. En effet, dans ce climat de navigation à vue, l’on ne peut prétendre éviter la tempête et arriver à bon port, car à bord du bateau, ils n’y a que des matelots...Je reviendrai sûrement sur cet état de fait pour développer pour mieux cerner les pourtours de ce cadavre dont le pourrissement  est en stade avancé…

 Le marasme dans lequel vivait la société entière était tel que l’individu n’avait d’autres choix que de s’y identifier. Le problème résidait en lui, dans sa vertu qui était en porte à faux avec le schéma général. La corruption n’aime pas la sincérité ! Tout était falsifié. Toutes les mœurs étaient frappées du sceau du faux. La Valeur était reléguée et le vice promu au promontoire de la reconnaissance. Comme le précepte de la morale était inversé, il était devenu la norme.

 L’individu ne peut faire mauvaise école, car il est obligé d’évoluer dans ces fonds fangeux et marécageux. Un homme sincère est directement montré du doigt, non pour être hissé au panthéon de la respectabilité, mais pour qu’il soit fui et mis en quarantaine. Il porte en lui les germes du danger, les prémices de la destruction de la société du mal. Les pourris n’aiment pas les gens authentiques parce qu’ils ne possèdent ni dignité ni honneur. Ne dit-on pas que la vérité blesse ? Elle n’est blessante qu’au goût des corrompus, car pour un homme véritable, elle demeure une exigence.

 

IL n’y a pratiquement pas d’espace vital entre la vie privée et la vie dite professionnelle. Tout s’intercale et s’imbrique. L’incidence de la vertu est proportionnelle au degré de responsabilité dans la hiérarchie sociale. Plus on monte, plus on est responsable, plus la nécessité impérieuse de la vertu se fait sentir et devient par conséquent nécessaire pour assurer le contrat social. La sincérité et la franchise s’avèrent être les garde-fous par excellence contre les dérapages des détenteurs du pouvoir. Afin de réussir cette gageure, il est primordial qu’ils s’entourent de gens vertueux. À défaut, celui-ci serait malsain, injuste, décadent et périlleux. Platon disait : « Les richesses et les dignités n’engendrent rien de plus corrompu que la flatterie. »

 

L’exercice du pouvoir demande sagesse et fermeté et doit en tout état de cause s’inscrire dans la durée pour asseoir la suprématie de la justice et de l’équité. Un homme sincère est un homme courageux, capable de vérité, loin de la louange et de la flagornerie. Un flatteur est aussi redoutable que les portes de l’Enfer, disait Homère. L’homme en tout cas doit se ressourcer auprès des prophètes qui ont bravé la puissance des gouvernants pour annoncer la vérité, au risque de leur vie ; leurs enseignements doivent être pris tels de tableaux de bord pour nous éclairer dans tout ce que nous entreprenons au quotidien. Après eux, l’homme n’a plus le droit d’avoir peur, à condition qu’il infléchisse sa raison en l’assujettissant à la Raison…

 La ville, comme toujours, montrait les mêmes signes de fatigue et de saturation. Trop de monde marchait, courait, bavardait, s’en allait, s’en venait, « s’envoiturait » ou débarquait à la fois ; Cela grouillait de partout telle une fourmilière, mais, hélas, dans une grande inutilité. Cette inanité démontrait, force à l’appui, l’absence d’esprit intellectuel. L’État concentrait tous les efforts sur l’estomac, jusqu’à ce que les diatribes de celui-ci occupent le devant de la scène politique, en mobilisant tout le gouvernement pour ne satisfaire finalement que le côlon. Tout l’appareil de l’État n’était que digestif, avec la simple équation de Hassi Messaoud au ventre de sidi Daoud. Toute la question n’était qu’une affaire de tuyaux : un pipeline et un intestin. Un staff capable de constat, mais incapable de réaliser quoi que ce soit en matière de production et de productivité, car formé de têtes pensantes stériles et dormantes. Un gouvernement dont le rôle était de pourvoir aux besoins du tube digestif, moyennant des solutions provisoires qui faisaient de « l’import-import » le leitmotiv par excellence de sa politique, baignant dans un ostracisme écœurant. Quant à la véritable alimentation, celle qui devrait figurer normalement en toute priorité sur l’agenda des gouvernants, elle était reléguée aux calendes grecques ou remisée au placard dans la cave nauséabonde de la décharge collective.

 Suivant le chemin sinueux du darwinisme, le cerveau avait fini par évoluer dans le sens influé par certains stratèges véreux dont l’intérêt personnel passait avant celui du peuple, en s’alliant in extremis à l’œsophage, en attendant la signature du grand protocole avec tout l’appareil digestif. Aux dernières nouvelles, il paraît que bien des étapes furent brûlées et que le cerveau avait réussi à avoir une embouchure directement sur le tube digestif. Ainsi fut sauvée la crise « cérébrale » ! Quelle trouvaille ! Mourad savait que tout cela n’était pas nouveau et tous les Arabes, au demeurant, étaient à la même enseigne. Mais était-ce suffisant, ce constat de mort collective ?

 Benak in L’amour et le sang

 

14 Jan 2016

Le matraquage

Depuis un certain temps, l’homme suit une nouvelle orientation de la pensée. Bombardé à longueur de journée par un flot important d’informations qu’il n’arrive plus à juguler, il se laisse guider par un tuteur dans lequel il place toute sa confiance. La pensée se retrouve ainsi otage d’une certaine nomenklatura qui prend à charge de diluer ce qui sied à sa vision des choses en se pliant confortablement à sa volonté. Certains médias dits lourds s’impliquent à fond en usant de tous leurs moyens pour se focaliser sur l’objectif recherché : appâter le consommateur lambda. L’humanité est arrivée au stade parfait de la consommation. Le monde est devenu un village grâce aux techniques de la communication. Les frontières naturelles ont sauté pour laisser place à l’invasion de toute une foule d’informations circulant librement sans aucune censure. Vingt-quatre heures par jour ne suffisent plus à l’individu pour venir à bout d’un plan qu’il s’est préalablement fixé, tellement les nouvelles circulent plus vite, presque autant que la lumière. L’individu n’a plus le temps de se mettre à jour, il est dépassé par le flux important des données évoluant sans cesse en subissant parfois des transformations inouïes en cours de route. En effet, une masse importante d’informations devient obsolète l’instant suivant sa naissance.

L’être humain n’a plus de temps pour la réflexion. Il est soumis malgré lui à un flot conséquent et permanent de spots ne lui laissant aucune chance de se regarder et d’opérer une introspection, pour se parler. L’individu n’ose plus se poser les questions liées à son existence, car il est malmené par une offre plurielle chatoyante aiguisant ses sens au-delà d’un certain désir. Même l’amour est apprivoisé et domestiqué. Il est encagé et présenté sous toutes les facettes bon marché avec des facilités extraordinaires. Tout ce que vous désirez vous est d’abord suggéré et puis offert sur un plateau d’argent. On vous accroche pour ne plus vous lâcher. L’on discute d’abord avec le bestial en vous. Celui-ci chouchouté, dorloté et enfin câliné, est invité à se laisser épancher sans aucune retenue pour satisfaire une consommation immodérée. L’abêtissement est là pour assujettir l’être afin de mieux l’abandonner aux affres de la décrépitude et de la solitude.

Rien n’est laissé au hasard des choses, l’on pénètre dans le coin le plus intime de l’individu pour ne plus lui donner l’occasion de se reconstituer et de renouveler son style ainsi que son mode de vie. De nos jours, l’être humain est agressé de tous les côtés par tous les méfaits de cette évolution rapide et effrénée dont il ne détient plus les rennes. Tous les verrous sautent, l’un après l’autre, en fragilisant tout le système de défense. L’autocensure en prend un sale coup. Fragilisé de par sa crédulité et son inconscience, l’être est livré en pâture à toutes les vicissitudes de la vie.

Par individu, il faut entendre la masse évidemment, car la minorité, consciente et quoique agissante ne peut hélas, à elle seule, faire pencher la balance. La pensée est prisonnière de son propre cheminement qui l’amène à visiter des champs peu éclairés sinon tout à fait sombres de la réalité humaine, d’où son naufrage et sa misère la disqualifiant pour prétendre à devenir la Pensée universelle par excellence…

14 Jan 2016

La shamia que j’aime

Le soleil s’en va toujours sur tes plaines et tes collines en balayant ton riche plateau où mon cœur bivouaque à l’orée du temps. Mon âme fêlée où l’amour goutte comme une bête blessée ne cesse de panser l’os de mon cœur brisé de tant de meurtrissures. À travers les interstices de la vie s’ombrant de nuit, vient folâtrer un semblant de jour dans mon fol esprit où les idées en cavale fuient les instants obscurs et violents où la mort embusquée sème le malheur à tout vent. Ah ! Ces senteurs qui montent de tes terres où la vie reptile se faufile parmi les printemps farouches de ton âge. Et ces douceurs à l’ombre des mots conquis au verbe agile devant ton altesse sauvage et féline, douce et coquine. Devant tant de grâce, je m’incline défait jusqu’à la pudeur des mots encore enfants, à la hauteur du secret tressé à fleur de peau de l’amour raffiné au commencement du délire. Je n’ai que cet écrit du fond du cristal de mon cœur à bout de parchemin scellé aux pleurs gauches et infoutus. C’est à l’encre limoneuse de mon âme où mon verbe insurgé s’enlise, je trempe ma littérature sablonneuse pour t’écrire le désert de mes fleuves où s’enfonce ma raison jusqu’à la lie de leur lit.

Tout me parle de toi comme si j’étais déjà mort. Terrassée par le chagrin, tu pleures mon sort en multipliant l’horreur partout sur ton corps. De toutes les couleurs chaudes et gaies, tu as choisi ce seul décor qui ne sied point à ton aurore où le soleil aime se saupoudrer d’or avant de te rencontrer.

Ton ciel comme tes montagnes, tes collines comme tes rivières, tes maisons comme tes chaumières… Tout me parle de toi. Même la parole se tait pour dire la magnificence du silence qui s’habille de la robe mauve de ton absence.

Cette solitude pleine de toi me remplit d’une langueur infinie où mon âme tresse les jours de tristesse au fil ténébreux du temps. Esseulé alors, j’adore écouter tes mots muets et sucrés quand doux et feutrés, ils viennent murmurer à l’oreille amoureuse de mon esprit la saga folle de ta vie. Oboda le Nabatéen respire encore ton air pur arc-bouté tel un gladiateur à sa prompte victoire en ricanant sur la débâcle de Janée le juif au fond du précipice de ton grand âge. Araméenne, assyrienne, tu danses dans mes nuits enivrées où la tempête fait toujours rage, car j’entends le galop des chevaux mongols sur la traînée houleuse du temps.

Damas, tu coules dans ma gorge comme un vin romain acide et amer, où Pompée triomphant sur mes enfants orphelins fait ruisseler les larmes de son bonheur. Je sens malgré la longue distance, en dépit de mon autisme sidéral, au-delà de la conscience humaine, le hennissement mêlé au barrissement, le bruit des glaives à celui des lances, la plainte de Rome au geignement de la Perse.

Damas ! Tu pousses l’outrecuidance jusqu’à venir occuper les moindres atomes de mon existence… Tu m’enserres… Ton amour plus grand que mon cœur où je te garde comme une goutte d’eau rare dans ce désert où gravitent des hommes plus chiens que les chiens des hommes. Tu oses prétendre à l’amour comme si tu étais un grand pays où toutes les capitales affluent pour célébrer ta noce au bal impétueux de l’histoire qui continue à s’écrire à l’ombre de l’imposture des âges.

Le Sham où se noient de pudeur les mots vaincus au bord des phrases insolentes… Les mots impuissants se retirent en silence devant l’intolérance des phrases impudentes… Des moments éhontés de l’âge frelaté de l’ingratitude universelle. Omeyyade, je te salue du haut de ma misère millénaire, depuis le Grand Califat où tu reçus tes lettres de noblesse sous le regard paternel de ce grand Omar que nous aimons tant. Depuis, en véritables enfants de l’amour inné, nous sommes devenus plus que deux amis. Je prête serment de ne pas trahir le secret qui nous unit comme ce lien pur et mystérieux qui lie une femme à son petit. Je ne parlerais jamais Abasside ni Ikhchidite ni Fatimide, ces accidents de parcours qui ont sérieusement handicapé ta route en creusant le fossé entre toi et ta dignité.

Enfin, au détour d’un pan d’histoire, le temps te gratifie de la grande révélation de tous les siècles, anciens, nouveaux et futurs et je n’ai plus besoin de raser les murs pour décliner mon identité. Tu portes haut et fort mon seul étendard aux quatre coins du vent qui souffle la plus belle symphonie de la galaxie, la plus authentique mélodie de la vie. Une riche odyssée nous unit et une longue marche nous attend encore avant d’atteindre le soleil qui pleure sur notre couche où le temps jaloux, bête et farouche, a confisqué notre lit. Notre unique délit est d’aspirer au bonheur et à la paix que le monde chante et trahit pour un non pour un oui.

Je te fais un aveu aujourd’hui, car les jours qui me restent me sont tout à fait comptés : je ne t’ai jamais été infidèle même au plus profond de ma lâcheté. Tu peuples toujours mon essence et mon entité comme si tu étais le seul colon qui m’est destiné… Tu occupes ma langue où le verbe se terre à l’abri des paroles qui n’ont que ton nom pour mot d’ordre et de désordre. Tu es l’air que je respire tant que le ciel nous dénombre sous les décombres de la conjuration infâme et du vil complot. Tu me tues chaque jour davantage à ce pèlerinage de l’esprit qui s’abreuve tour à tour à tes âges meurtris.

Je suis toujours fidèle à ton orthodoxie quand Citadelle, tu rayonnes face à tous ces Francs inconstants. De Tigrane l’Arménien à Nur-Al-Din le kurde, dit le maître d’Alep, je salue haut et fort, de mon piédestal de mort camphré, Salah-Addine Al-Ayyoubi qui a su redorer ton blason. C’était absolument notre âge d’or ! J’entends encore le galop des chevaux à brides battues des Mongols et les cris des mamelouks le long de tes murs en briques de la première maison civilisée.

Tu sais, tu as toujours été cette perle de la vie ornant de sa magnificence ma riche histoire depuis la nuit des temps et tu continues malgré tous les vents à sévir sur mon esprit qui porte l’empreinte indélébile de ton sceau conquérant. En un mot, je t’aime et je ne saurais détester ce Sham qui me charme tant que tu en es le joyau.

Cependant, je sens comme une arête de poisson en travers de la gorge chaque fois que ma mémoire bute contre le souvenir de cette période que je traîne comme un boulet de forçat accroché à mon misérable corps. Alors, du fond de mon désarroi immense où mon âme tapie comme un lièvre aux aguets, j’ingurgite le vin acide et amer de la déchéance. C’est la conjoncture qui se dresse terrible et horrible pour me rappeler cette grande et triste parenthèse d’où suinte mon sang de bête blessée. Oui, je me permets de te contrarier, adossé à cette gloire omeyyade qui gonfle ma dignité en ranimant les cendres éparses de ma fierté. Je ne peux dans ma détresse d’homme fait et refait ni dans ma faiblesse de lâcheté potentielle, laisser passer une telle infamie, une pareille énormité. Je sais que tu mesures mes propos à leur juste valeur. Cela revient au respect que tu me dois de te veiller jour et nuit sans faillir un seul instant au fil des saisons mortes que pleurent les années à l’heure du funeste bilan.

Tu connais certainement l’histoire de Marmara ! Non ? Tu n’as jamais entendu parler de ce bateau pour la paix, attaqué ? En tout cas, tu n’as rien perdu et c’est tant mieux ! Moi, j’y ai laissé des plumes. Du haut de ce ciel incertain et éphémère, un moment déployant les ailes évanescentes et précaires d’un ersatz de bonheur, je me vois déchoir de la naïveté de ma candeur, de materrible crédulité.

Je traîne dans l’échancrure ténébreuse de ma raison la flétrissure grave et pernicieuse du temps qui creuse de sa folie meurtrière dans mon âme désossée de profondes ornières. Je porte dans les plis et replis de mon cerveau, dans le moindre pore de ma peau, dans le cagibi mental de mon esprit, dans l’atome infini de ma vie, dans le plus petit des petits, dans le plus ténu des cris, les stigmates indélébiles de la supercherie.

Aujourd’hui encore, j’ai davantage mal ; tu me fais boire le calice jusqu’à la lie. Te souviens-tu de Davos ? Oui, le fameux jour où le dandy islamisé a épinglé le sénile ? Ce fut un scoop ! Un grand coup médiatique ! Un vrai spectacle, du régal ! Cela s’est répandu comme une traînée de poudre à travers les journaux télévisés. À dire vrai, ce fut exceptionnel, une véritable exclusivité !

Pour la première fois, depuis la nuit des temps, un Israélien se fait rembarrer en direct sur un plateau de télévision sous le regard hilare de millions de spectateurs. Quel audimat ! Un chevalier de l’image était né ! Le monde musulman est resté bouche bée tellement c’était fort et inattendu. Branle-bas de combat dans les états-majors des revues et journaux sous presse. Il fallait suspendre l’impression, refaire les maquettes et relancer les rotatives. Et comment ! Une primeur à ne pas manquer ! Un grand bang historique ! Un haut fait d’armes à inscrire au panthéon de l’histoire. Monsieur peut se targuer d’avoir créé l’événement. Je suis resté pantois quelques secondes devant cette scène menée de main de maître. Les ignares, les ignorants, les sous-développés, les attardés mentaux, les éternels soumis, les sempiternels assistés, les amoureux de la sujétion, les masochistes, les nostalgiques, les insuffisants, les gosses politiques, les politicards, les bledards, en un mot les troupeaux arabes ont enfin trouvé un meneur. Le califat est vite déterré. On est à deux doigts de déclencher des révolutions pour destituer et chasser des gouvernants nationaux au profit du nouveau seigneur.

En tout cas, ma belle Shamia, c’est de bonne guerre ce qui nous arrive de par nos frontières transformées en passoires. Seuls notre apathie et notre laxisme sont à blâmer. Nous aurions pu nous prémunir à temps en engageant des réformes, en nous rapprochant de nos peuples ; nous aurions dû les instruire et les écouter, les mettre en confiance et les respecter. Il fallait opportunément prendre les devants et nous préparer avant de subir toute cette avanie. Tu n’es pas sans savoir, ma douce shamia, que le monde dans lequel nous évoluons est devenu par la force des choses un petit village. En vérité, les démarcations ne sont plus que limites cartographiques. L’unicité de la pensée et le discours démagogique ne sont qu’illusoires et chimériques. Tout devient transparent par la grâce de l’information qui ne nécessite aucun visa pour son émigration. Tout se propage à la vitesse de la lumière en faisant fi de toutes les frontières. Le résultat s’annonce terrible, choquant et désolant. Cependant, le monde dont il est question est divisé en trois groupes bien distincts : les décideurs, les exécuteurs et le troupeau. Tu ris ? Je ne sais s’il faut en rire ou en pleurer. Bien entendu, nous faisons partie comme tu viens de t’en rendre compte de la dernière classe constituant la majorité écrasante, mais hélas, écrasée aussi. Il est encore loin le chemin de l’éveil des consciences malgré le pas certifié de la science et en dépit de la technologie avancée. Une poignée d’États développés recherche le contrôle planétaire. Tous les moyens sont bons pour atteindre cet objectif, toutes les stratégies sont mises en œuvre pour sa réalisation quitte à gommer certains pays, à remodeler certaines géographies. Les cibles sont légion ; elles sont arabes par définition.

On a détruit la Libye et certains Libyens éclairés se sont fait leurrés par un certain Bernard qui leur a posé un vilain traquenard. On morcelle toujours de ce côté à construire plusieurs Lybies. Le chantier demeure ouvert et on y arrive petit à petit. Qu’Allah Le Tout Puissant assiste le peuple d’Omar Al-Mokhtar dans son malheureux désastre et sa sinistre tragédie.

Je suis là, assis en face de mon esprit qui me tient le haut du pavé. Dans ma peine où se lamentent des remous silencieux, j’allume une bougie pour nous éclairer un peu la lanterne. Avec ce peu de lumière qui vacille, j’illumine les recoins fiévreux de mon âme où sombrent mes espoirs les plus vieux. Le noir nous mange et l’obscurité nous dérange : on avance vers la nuit. Le monde se suicide lentement sur les murs de l’hypocrisie érigée en idéologie planétaire.

 

La télévision pleure en direct la mort d’une fille de dix-sept printemps… C’est dur de mourir à l’âge des fleurs. La mort est toujours tragique, même celle d’une vipère. La perte d’un être cher est une grande catastrophe et une effroyable épreuve.

La télévision verse dans le sensationnel, dans le drame… Elle pleure à chaudes larmes ! C’est un moment digne, auguste et grave imposant le respect total sans condition. Que c’est triste de voir un homme pleurer ! C’est tellement affligeant que le temps s’arrête sur cet instantané poignant où le monsieur, olympien, se laisse choir dans une tendre compassion. Focus sur ce visage déchiré par tant de peine où mon cœur traîne la savate en battant le pavé de la misère humaine. Oui, Asma, moi aussi je te déplore, car tu es un peu ma fille et ton jeune âge au commencement de la vie te prédestinait à un sort meilleur, ici sur Terre. Tiens ! Mystérieusement, tu rappelles à mon souvenir autant que cet homme élégant dans ce touchant plateau, une belle Syrienne : Yara.

Cet individu qui te pleure dans sa télé est un peu le tueur de ce joli papillon syrien. À vrai dire, ils sont des dizaines de milliers, des Yara féminins singuliers et masculins pluriels qui ont péri par la faute de ce type pendu à son mouchoir et d’autres messieurs assoiffés de mouroirs. Les larmes qu’on braque à travers la petite lucarne tuent autant que des pistolets. Elles arrivent parfois à mieux assassiner.

«… Je n’ai pas profité assez de ta précieuse compagnie durant ta courte vie et c’est surtout mes obligations qui m’empêchaient de me réjouir de ta présence… La dernière fois que nous nous sommes assis, à Rabaa Al-Adawiya tu m’as dit, même quand tu es avec nous, tu es occupé ! ».

En effet, c’est dur pour un père de perdre son enfant. Je compatis, le cœur brisé à cette perte cruelle qui me détruit. Chaque fois que je lis cette lettre de ce géniteur meurtri adressée à titre posthume à sa fille, je laisse une part de moi-même éparpillée à travers cet écrit. Une douleur incommensurable et j’en mesure l’intensité.

Monsieur le pleureur, ces Syriens qu’on efface de la surface de la Terre avec ta bénédiction, ne te font-ils jamais pleurer ? Sont – ils des moins que rien pour susciter ta compassion ? N’as-tu pas vu cet animal que tu as engraissé, galvanisé et armé, manger sauvagement le cœur d’un jeune soldat syrien, après l’avoir dépecé ?

N’as-tu pas vu encore cet autre soldat, d’à peine vingt ans, tremblant de peur entre les mains de tes mercenaires ? Yeux bandés et poings liés, on lui faisait passer le fil du rasoir sur son cou fragile pour le tuer dans la durée ? Tu as vu comme sa pomme d’Adam dansait le yéyé avant que ton tortionnaire ne lui ôte la vie ?

Oui, mon brave pleureur, on lui a tranché la gorge devant sept milliards de spectateurs…

Benak in Le printemps de Damas

http://benak.iggybook.com/fr/le-printemps-de-damas/

J’ai écrit et publié trois livres sur le faux printemps arabe :

-Tiguentourine

-Le printemps de Damas

-Les enfants de Gaza

Et bientôt :

-Victor le Taliban

-La liberté d’agression

Les trois premiers sont visibles ici : http://benak.iggybook.com/fr/

13 Jan 2016

K(h)ardaoui

 

…Quelques minutes plus tard, Yatim était assis en tailleur parmi les croyants occupant les dernières rangées de la mosquée pleine à craquer. À vrai dire, c’était le seul mois, à part les deux fêtes religieuses de la rupture du jeûne (Aïd Al-Fitr) et du sacrifice (Aïd Al-Adha), où l’on enregistrait une affluence record. On appelait ces gens de l’ultime instant, les musulmans provisoires ; occasionnels, ils ne se souvenaient de leur appartenance que durant ces dates phares. Sitôt Ramadan dépassé, ils renoueraient avec leur habitude en attendant la prochaine année. Une minorité cependant continuerait sur le même élan à visiter ces hauts lieux de prière. Oui, c’était pendant ces périodes que la société prenait conscience d’elle-même, de son unité. Le sens de la communauté se trouvait renforcé du fait que tout un peuple vivait à un rythme identique.

 

Le prédicateur perché du haut du minbar dispensait, sceptre à l’appui, les préceptes qu’ils croyaient essentiels à la vie de la collectivité. D’une voix monocorde qui servait plutôt de berceuse à certains inconditionnels du sommeil trouvant là une échappatoire à leurs soucis quotidiens, il déversait comme un perroquet, un flot d’informations aussi vieilles que dépassées. «… Celui qui touche ne serait-ce qu’un petit gravier, a commis un interdit et celui qui commet un interdit a raté son vendredi… ».

 

Yatim connaissait bien la signification de ce hadith, mais c’était ces imams à la con qui poussaient les gens dans les bras de Morphée avec leurs sempiternels ronrons. Alors que le monde arabo-musulman brûlait, ces messieurs rabâchaient les oreilles des croyants avec des histoires à dormir debout ; pardon, “à dormir assis” sonnait plus vrai.

La voix psalmodique du chef religieux arrivait fatiguée au tympan de Yatim dont les nerfs étaient exacerbés par tant de bêtise humaine.

«… La femme, disait le seul interlocuteur autorisé par la grande sagesse du Seigneur, est épousée pour quatre raisons… Pour son argent, pour sa beauté, pour son rang et pour sa religion… Prends celle qui est religieuse, tu seras satisfait… »

«… La bonne femme quand tu la regardes, elle te plait ; quand tu ordonnes, elle t’obéit ; quand tu t’absentes, elle te reste fidèle en préservant ton honneur et ton argent… »

 

Pour cet opprimé sexuel sous la peau d’un imam, celle qui n’est pas belle ne peut prétendre au mariage et celle qui l’est doit accepter l’esclavage à vie… Quant à l’homme, il n’a point besoin d’être beau ni bon ni fidèle. Son statut de mâle suffit ! L’après-midi suivant la clôture de la prière hebdomadaire, beaucoup de femmes vont devoir subir impunément le joug marital.

«… Le devoir d’une femme c’est de se faire belle pour son mari et uniquement pour son mari… »

Quant au macho, tout lui est permis. Il n’est pas obligé de nettoyer sa bouche qui lui sert de cloaque à chique ni de se parfumer ou de se raser.

«… La femme qui se refuse à son mari lorsqu’il la sollicite au lit est une femme maudite… »

Tellement énervé par le discours borgne et unidirectionnel, Yatim ne put s’empêcher de réfléchir tout haut…

— Et les devoirs de l’homme, qu’en fais-tu, beau phraseur ?

 

Certains visages se tournèrent carrément vers lui parce qu’il venait de commettre un impair. Il sentit leurs regards comme autant de fusils, il ne manquait que les balles pour l’envoyer dans l’autre monde. Cependant, il les ignora tout simplement et recroquevillé sur lui-même, se confia à son esprit transhumant déjà sur une autre Terre.

La voix de l’imam s’étiola chassée par celle plus affirmée du président du Conseil Islamique.

 

«… Du haut de ce minaret, j’exhorte tous les croyants à travers le monde à venir en Syrie prêter main-forte à nos pauvres frères qui se font massacrer par la maudite junte militaire. J’en appelle à la bonté de notre Seigneur d’assister nos malheureuses sœurs qui se font kidnapper, violer et éventrer. Je prie Dieu de protéger les enfants syriens, ces innocents chérubins qui sont fauchés par les bombes assassines des avions de Bachar… Nous implorons Allah de ne pas nous punir, de nous pardonner d’avoir laissé nos frères syriens souffrir le martyre et ne pas intervenir… Du haut de ce minbar, je lance en mon nom personnel, sous le sceau de l’imamat, une “fatwa” en déclarant ouvert le djihad en Syrie. Il est du devoir de tous les hommes ayant reçu une formation militaire de se porter en urgence dans ce pays où je déclare licite de tuer tous les gens qui gravitent autour du taghoute et le soutiennent. Je réitère mon appel à tous les vrais musulmans en disant qu’il est halal de tuer les prédicateurs, les savants, les oulémas, les civils et les militaires qu’ils soient hommes ou femmes pour peu qu’ils soient du camp du criminel Al-Assad… ».

 

Yatim se retrouvait au milieu de gens qu’il ne connaissait pas dans cette mosquée, tout de majesté par mille et un lustres, éclairée. Des climatiseurs insonores et invisibles distillaient de l’air frais alors que dehors la fournaise franchissait les quarante-cinq degrés. Certainement, dans le but de plaire à Dieu, l’émir de cette ridicule planète avait injecté des millions de dollars pour élever une telle architecture. Une onéreuse tapisserie, agréable à la vue et au toucher, recouvrait le sol de part en part. Des piliers aussi ronds que géants supportaient des voûtes magnifiquement sculptées. C’était à n’en pas douter, un monument à la gloire de Dieu, ce joyau de la prière. Yatim ne cessait de repasser sa main en frôlant de ses doigts la douceur veloutée de cet immense tapis vert étalé sous sa petite personne tout envoûtée. Ils étaient plus d’un millier d’hommes, tout de blanc vêtus, à l’image du prédicateur au large keffieh sur les épaules. L’espace était tellement vaste que le nombre des croyants paraissait dérisoire ; la disproportion était flagrante. De ce côté-ci de notre Terre, complexe d’infériorité oblige, on faisait immanquablement dans le gigantisme. Les carrés de tissus pliés en triangle et retenus sur leurs têtes par un cordon noir, faisaient apparaître les bédouins de la nouvelle génération comment autant de centaines de cobras et de najas réunis. Dans des coins intelligemment choisis, des caméras discrètes et sophistiquées retransmettaient fidèlement le prêche de cette fameuse journée.

— Mais, à n’en pas douter, c’est le célèbre Khardaoui ! Se dit Yatim après avoir bien observé le prédicateur.

Khardaoui en dialecte algérien signifie brocanteur, celui qui ne propose que de la vieille ferraille.

— J’aurais aimé que tu sois antiquaire, cela aurait au moins eu de la valeur.

Évidemment, personne n’entendait Yatim alors qu’il se parlait. Il soliloquait en fait et sa voix aphone ne pouvait atteindre le cheikh rogue et outrecuidant qui continuait à déverser sa hargne sur plus noble que soi.

— Bachar est l’ennemi juré de l’Islam…

— Et toi, un Satan déguisé en imam…

— C’est un comploteur acoquiné à la secte chiite…

— Et toi, un laudateur affilié à la race yahoudite…

— Un tyran à la merci de l’Iran, cette république maléfique…

— Et toi, un courtisan caudataire au service d’un esprit satanique…

— Un autocrate oppresseur, un despote, un véritable sanguinaire…

— Et toi, un acclamateur, un valet, un mouchard, un vitupérateur, un cafard et un sale laquais approbateur…

 

Décidément, ce vieillard a tronqué tout simplement les habits de l’humilité et de la décence contre ceux dégoûtants de la démence. La première fois que Yatim l’avait entendu, c’était lors d’une conférence qui avait pour thème « l’Islam, la religion par excellence ». Ce jour-là, il avait su que cet homme accusait un lourd déficit de sagesse malgré son érudition. Imbu de sa propre personne, il manifestait un orgueil excessif par des manières insolentes et hautaines à la limite de l’arrogance. Il n’avait nullement cette déférence que les grands, les nobles, les gens de renom affichaient devant autrui. Il étalait ses connaissances avec dédain en la présence d’un parterre admiratif accroché à ses paroles, car assoiffé de savoir.

Karl Marx ne disait-il pas que la religion était l’opium des peuples ? Jamais cette sentence n’avait autant sonné vrai. Elle s’appliquait remarquablement à ces faiseurs de discours endormeurs, à ces enjoliveurs de mots empoisonnés. Yatim faisait de la philosophie un préalable à la compréhension des textes sacrés. Celle-ci donnait à l’esprit les armes nécessaires à l’exploration. La maîtrise de la langue, le savoir et la rhétorique sont à même de conduire à la persuasion et à la conviction.

— Je suis musulman de nature, par définition.

 

Telle est la vérité première sans aucune ambiguïté. Nul n’a besoin d’autrui pour se définir. Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Le pouvoir est assujetti au devoir, s’il s’en libère, il devient domination. La religion étant l’ensemble de valeurs contenues dans un « Être », c’est l’essence de Dieu. Personne ne doit outrepasser ces valeurs et l’imamat est là, non pour concurrencer ledit pouvoir, mais pour le contrôler, le guider et à l’asseoir convenablement par le seul fait de justice. Un pouvoir juste est un pouvoir pérenne.

 

Du haut de sa tribune médiatique que lui offrait « Elhakira », le normalement vénéré cheikh, habité par mille et un démons, ne cessait de distiller à chaque occasion son poison acide et amer moyennant des prêches enflammés. Il supervisait ainsi la division de la nation dans le but de son anéantissement. Serviteur invétéré du Sieur Bermil, il lance à cors et à cris des avis juridiques et théologiques encourageant et justifiant le crime et l’assassinat. Lui et ses semblables, ces barbus apprentis sorciers, apprenant par cœur le Coran et le récitant à longueur de temps, mais ignorant totalement son esprit, se complaisent à détourner ses enseignements en utilisant sciemment sa lettre à mauvais escient…

Benak in Le printemps de Damas

11 Jan 2016

Viru-S-Aoudd

 

L’esprit éveillé de Yatim avait dressé tout de suite le parallèle avec ces bédouins de la modernité prêtant allégeance au Yankee du coin. En compulsant les annales de l’histoire du monde musulman, Yatim apprit que celui-ci connut son apogée lorsqu’il fut attelé à la civilisation persane et son déclin, malheureusement, quand il fut remorqué par l’empire ottoman. Pourtant, de nos jours, ces sunnites en turbans n’arrêtent pas de sataniser l’Iran, cet autre pays musulman dont le seul tort est d’être hostile à l’idéal américain. Évidemment, il faut lui trouver un prétexte fallacieux et son chiisme est tout indiqué pour lui coller tous les maux et fléaux. Ensuite, il suffit d’ameuter tous ces érudits de palais, ces cheikhs à la con, ces religieux soudoyés pour le diaboliser aux yeux des peuples aveugles et endormis.

À priori, disait Yatim, comme l’avait si bien exprimé un jour un respectable Libanais, tous les musulmans sont chiites du moment qu’ils adulent Ahl Al-Beit et sont tous sunnites puisqu’ils sont appelés à appliquer à la lettre la Sunna. Celui qui s’emploie à diviser la « Ouma » au lieu de la rassembler ne peut être qu’un dévoyé.

L’Arabie aurait pu jouer un rôle rassembleur en encourageant les croyants à plus d’unité ; elle peut toujours prétendre à ce rôle du moment qu’elle dispose de beaucoup d’atouts en main, et ce, malgré la déliquescence des liens entre les différents pays musulmans.
Yatim ne comprenait pas cette délinquance qui poussait la nation arabe à la dépravation. Cette terre sacrée et consacrée représente le centre du monde par décision suprême et nul ne peut lui ôter ce caractère hiératique du seul fait qu’elle abrite La Mecque et la tombe du sceau des prophètes – que le salut soit sur lui – ainsi que celles de plusieurs envoyés. Le serviteur des deux Lieux Saints doit être en principe l’intercesseur de l’Islam et des croyants comme au bon vieux temps des khalifes, que Dieu les agrée dans son vaste paradis. Cette notion de service bat de l’aile tant qu’elle n’englobe pas le troisième lieu sacré ; elle demeure imparfaite tant qu’elle ne couvre pas la première des deux Qibla. Tout souverain, khalife ou imam, s’affublant de cette fonction doit impérativement inclure Al-Qods sous sa protection. Le pèlerinage étant le plus grand regroupement de personnes dans le monde, il permet chaque année de véhiculer et de transmettre des messages clés à la nation, mais encore faut-il que le commandeur soit un vrai musulman.

Dans la situation qui prévaut dans la région, il semble impossible d’unir des États aussi différents qu’hétéroclites. Dans quelle sauce faire revenir des royaumes et des républiques ? Comment accorder des réactionnaires et des progressistes ? Autour de quelle table asseoir les pauvres et les riches ? Au fait, comment fait-on pour naître roi ? Existe-t-il une formule magique à appliquer ou bien sont-ce seulement les circonstances qui se prononcent en faveur ou contre un tel avènement ?

En tout cas, une chose est certaine : la déviation fut à un certain moment de l’histoire ; elle remonte au début du siècle lorsque les deux puissances de l’époque se partagèrent le Moyen-Orient. L’année mille neuf cent seize fut décisive pour cette région quand Anglais et Français, dans un découpage machiavélique, s’octroyèrent de grands morceaux de ce vaste territoire sans frontière. Dans la foulée, on fourra dans la tête de Chérif Hussein une grosse promesse : le fameux royaume arabe. Sir Mark Sykes et François Georges-Picot peuvent se targuer d’avoir été les chantres et en même temps les artisans du dépeçage de cette partie du monde qui ne connaîtra jamais de paix, et cela, avec la bénédiction de la Russie tsariste qui avait assisté aux délibérations. Cette même Russie, qui trente-deux ans plus tard, assurera le sauvetage d’Israël en organisant un pont aérien à partir de la Tchécoslovaquie. La Perfide Albion s’était donné les moyens de réaliser la mainmise sur les richesses du pétrole de Mossoul et sur le canal de Suez. De par cet accord, les alliés avaient violé outrageusement leurs engagements vis-à-vis des Arabes ; ils devaient leur offrir une indépendance totale en reconnaissance de leur assistance contre l’empire ottoman ; Pourtant le colonel Edward, le fameux Lawrence d’Arabie, s’en était porté garant.

L’Islam, de par le caractère divin de son message et l’apodicticité de ses enseignements, est incompatible avec cette forme de gouvernement dans lequel le pouvoir héréditaire est détenu par un seul homme nommé émir ou roi. Mohamed, que le salut soit sur lui, n’a jamais porté les habits d’un monarque dans le sens étroit du terme. Yatim pensait que si ce régime politique était autorisé, Allah aurait certainement fait roi son prophète. À défaut, il l’aurait incité à le devenir. Aucun texte, qu’il soit coranique ou appartenant au Hadith, ne consacre cet état de fait. Ce sont donc certains impérialismes qui installèrent ces prétendus sunnites à la tête de royaumes créés à la mesure de leur convoitise et de leur rapacité immodérée. Roitelets par compromission, ils se justifiaient comme étant des ayant-droit en faisant valoir la noblesse de leur rang. Descendants de la famille du prophète par prétention, ils régnaient sans partage sur des richesses colossales n’acceptant ni prétendant ni contestataire.

La cupidité et la soif du pouvoir aidant, ils s’alliaient parfois au diable aux seules fins de préserver leurs privilèges et se maintenir au trône. Des luttes fratricides et d’intérêts éclataient périodiquement à l’intérieur du sérail en virant quelquefois au drame, mais la puissance tutélaire était là justement soit pour encourager ces troubles soit pour y mettre un terme. Celle-ci pouvait à loisir fomenter toute sorte de coups bas pour sauvegarder ses avantages et profits ; elle pouvait déchoir, nommer, destituer, couronner, défaire, rétablir à volonté et selon sa propre vision des choses.

Yatim ne reprochait rien à ces rois, princes et émirs parachutés par les grandes puissances sur ces immenses richesses qui faisaient tourner le monde. Qui oserait refuser une vie de nabab ? Qui déclinerait un tel paradis sur Terre ? Au contraire, il les comprenait sans toutefois leur donner raison. Ces familles royales et princières trouvaient là leur terrain de prédilection à savoir des peuples soumis parce qu’ignares. Le principal problème sévissant de Djakarta à Marrakech était cette ignorance qui handicapait lourdement le devenir de toute cette région. Le pire ennemi demeurait cette inculture flagrante et persistante que le monde arabe continue de traîner comme un boulet de forçat.

Le moyen ainsi que le proche orient grouillent d’émirs et de princes tous détenteurs d’un ou plusieurs puits. L’argent coulant à flots, les oligarchies du Golfe ne trouvent que l’Amérique et l’Europe pour le dépenser. Las Vegas, Monaco, Venise, Piccadilly, Rio, Marrakech, Beyrouth, Le Caire, pour ne citer que ces places fortes du jeu et du luxe, sont autant de destinations prisées par ces messieurs qui ne vivent que pour le trône, le ventre et le sexe (al Arch, al kerch, al farch) selon la formule chère à un certain Monsieur Nekache.

Benak in Le printemps de Damas

10 Jan 2016

La digue arabe

 

On ne voit rien de noble, monsieur Larabe, dans cette arabité dont tu défends si bien les contours médiocres et alambiqués. Tu sièges au sommet de la bêtise de ce gros étron arabe que seuls les Bédouins mondanisés savent produire à longueur de temps. Il faut dire qu’ils ont du fessier à se trémousser ces messieurs quand ils se réunissent pour évincer, destituer et limoger à la six-quatre-deux en jouissant à l’avance des conséquences terribles de leurs actions. Oui, monsieur le nobliau, l’organisation que tu couves dans le tissu grossier de la traîtrise trône au faîte de la couardise de ces régimes sévissant sur des peuples arabes en accaparant tant leurs contrées que leurs richesses. Ces milliardaires du désert que tu sers comme une valetaille pauvre et débile sont d’une latitude autre que celle que tu démembres et que tu prends du plaisir à désosser.

 

Certains membres de la fameuse digue appartiennent à ce que l’on appelle communément les « Zarabes ». Il faut voir cet Émirati en plein exercice de ses fonctions de pleutrerie bouffonne pour comprendre les simagrées de toute une tribu. Les singeries de cet infâme et ignoble individu tout de minauderie devant cette vieille peau yankee qui s’esclaffe à la moindre expression, resteront longtemps gravées dans ma mémoire. À bien le regarder, l’on croirait certainement à une marie-couche-toi-là tant il se dégage de ses manières une coquetterie tout de grâces et de grimaces. Il se donne en entier, plait-il à madame d’accepter l’offrande tout de confiserie qui s’étale devant ses yeux goguenards et malicieux. Cet énergumène n’est que le piètre représentant de toute une secte dans cette partie du monde, Américaine de cœur, Israélienne d’esprit et arabe seulement d’oripeaux.

 

Le cas de cet autre Bahreïni est on ne peut plus édifiant. Et comment ! À lui seul, il constitue une école à part entière non seulement par l’enseignement qu’il lègue à la postérité, mais aussi par l’éclairage nouveau qu’il apporte à l’histoire de la contrée. Dégoutant et scandaleux parce qu’il est le fils de son père, il est allé prêter allégeance à la vieille Angleterre. Ce répugnant et crapuleux, car il est le rejeton de sa mère, alors qu’il exécute dans les règles de l’art la célèbre révérence des sujets et couards, laisse parler son cœur devant Sa Majesté éprise par tant d’afféterie : « Ô noble reine, que votre règne soit éternel ! Mes aïeux ainsi que mon père ne vous ont jamais demandé de quitter nos terres. Nous aurions aimé rester vos sujets à vie. Cependant, malgré le fait que vous nous ayez laissés face à ces sauvages, nos administrés, nous vous sommes dévoués à vie ».

 

Tu vois mon fils, il n’est nullement étonnant que la ligue arabe ne soit finalement qu’une digue capable uniquement d’endiguer les efforts de vrais citoyens arabes. Elle est là en ange gardien afin de veiller aux intérêts étrangers et gare aux brebis galeuses qui oseraient la défier ! Le désordre, c’est son mot d’ordre pour empêcher tout esprit rassembleur et toute idée révolutionnaire dans cette vaste géographie. À quelque chose malheur est bon, mais dans cette partie du monde où une tragédie en cache une autre le dicton perd de sa véracité et ne peut donc se vérifier. De nekba à nekssa, de hendba à mendba, de calamité à cataclysme, de désastre à chaos, cette région de la planète égrène à l’ombre de ses palmiers majestueux et de ses précieux et innombrables puits, les grains malheureux d’un épouvantable chapelet.

 

Oui, mon fils, nous sommes voués à cette triste destinée :

— tant que le kamis fait l’imam et la barbe le dévoué.

— tant que le gouvernant est monarque ou président à vie.

— tant que le peuple n’est qu’un simple tube digestif tout juste capable d’avaler et de déféquer.

— tant que l’hypocrisie demeure le produit culte des mentalités.

— tant que l’ignorance règne en maitresse absolue sur les esprits.

— tant que le pouvoir n’est qu’un alibi.

— tant que la connaissance est le parent pauvre de l’éducation.

— tant que l’incompétence détient le pouvoir de décision.

— tant que gouvernement est synonyme de corruption, de malversation, de compromission, de concussion, de déprédation, de détournement, de dilapidation, de forfaiture, d’extorsion, de fraude, de péculat, de maquignonnage, de soudoiement, de prévarication, de trafic d’influence, de subornation, de tripotage, de vénalité, d’abomination.

 

 

Oui, mon fils, nous sommes condamnés à subir le diktat des autres civilisations tant que notre régime est synonyme d’abaissement, d’abâtardissement, d’abjection, d’abrutissement, d’affaiblissement, d’agonie, d’altération, d’atrophie, d’appauvrissement, de décadence, d’avilissement, de déchéance, d’avachissement, de décrépitude, de dépérissement, de dégénérescence, de délabrement, de déliquescence, de flétrissure, de dénaturation, de pourriture, d’édulcoration, de ruine, de dégradation, d’usure, de perversion, de sape, d’aveulissement, de crépuscule, de pervertissement.

 

Je ne perçois aucune touche d’honneur dans tout ce que tu entreprends, mon petit arabe. Je te sais lion s’agissant de faire la cour et là où d’autres manient le sabre, tu manipules ta langue pour accoucher de termes plus subalternes que ta personnalité qui s’aplatit devant la déraison humaine. Tu excelles à aligner des mots vaincus pour saluer l’audace téméraire des peuples vainqueurs qui-t-ont toujours conquis. Tu continues, pervers que tu es, à masturber ta conscience, car eunuque, tu te venges sur la nature en commettant l’ethnocide de cette brave outarde juste pour renflouer les bourses vides de ta libido légendaire. Des Indes aux Appalaches, des Andes aux Carpates, des Alpes à l’Oural, de Karachi a Marrakech, du Yémen à l’Algérie, tu parcours monts et vallées, montagnes et déserts, tu sillonnes la Terre entière en ameutant une armée d’esclaves et un régiment de serviteurs pour juste donner à ton sexe bizarre un chouïa de vigueur.

 

Tu sais, mon pauvre petit arabe, je n’ai aucune dent contre toi ni contre tes sbires et misérables frères. Je ne peux vous faire confiance ni vous accorder la moindre importance. Vous avez été prompts, actifs, diligents, expéditifs, rapides et vifs à invoquer l’intervention de vos maîtres et seigneurs dans le but de détruire la Libye et vous avez réussi à le faire.

 

Vous avez été prestes, véloces, bouillants, emportés, enflammés, explosifs, fougueux, impétueux, passionnés, impulsifs, véhéments, volcaniques, violents, fulgurants et foudroyants pour éradiquer la Syrie de sa propre géographie. Vous avez remué ciel et terre, amis et frères, ennemis et adversaires, hyènes, chacals, loups, renards et tous les vils prédateurs et vilains charognards, juste pour dépecer la seule et unique brebis qui ait osé hisser haut l’étendard.

 

Tu sais, mon pauvre arabe, juste à côté, là où tu refuses de voir, à l’entrée de ton ouïe, là où tu te gardes d’écouter, fusent les cris des gens qu’on massacre du matin au soir. À même l’enclume de ton oreille, à l’antre royal de ton tympan, dégringolent les pleurs des enfants qu’on enterre vivants. Oui, tu as pris le pli de pondre un laconique communiqué pour dénoncer l’agression, mais au fond et en catimini, comme la majorité de tes amis, tu avalises et encourages une telle invasion.

 

Et toi, mon beau prédicateur à la barbe aussi fournie que la langue dont le verbe tranchant et acerbe découpe la vie en deux plans bien distincts : la géhenne et le paradis. Qu’as-tu fait pour te libérer de ton langage maudit ? Moralisateur jusqu’à la moelle épinière, tu n’arrêtes pas de nous sermonner à longueur de journée en polluant nos télés avec tes discours creux et zélés. Khalife par définition et sage comme une image, tu psalmodies les versets et les hadiths pour justifier telle ou telle action en insistant chaque jour sur les ablutions. Tu nous verses ta parole enrobée de confiserie pour mieux couler dans notre cerveau tes funestes idées . Tu nous abreuves de savants mots pour envoûter nos esprits et attacher nos âmes sensibles et conquises par tes jolies friandises aux chaines endiablées de la haine et de l’intolérance. Tu culmines au faîte de la bêtise en cultivant l’hypocrisie et la traîtrise en te faisant passer pour une véritable éminence grise.

 

Mon pauvre diable, au nom de l’Islam, tu exhortes les musulmans bêtes et dociles à tuer d’autres musulmans naïfs et innocents. Oui, piètre imbécile, tu incites les gens à commettre ce geste fatal par ton influence immorale. Par tes discours enflammés, tu galvanises tes ouailles jusqu’à en faire des hordes sauvages pour semer la terreur et le malheur. À écouter ces Algériens, plus musulmans que les autres, piailler à longueur de journée, l’on est tenté de croire qu’ils sont les seuls à détenir la vérité. Ils ne cessent, à partir du poulailler qui sert de promontoire pour leurs funestes idées, de fustiger un pouvoir qui les protège et les nourrit. S’ils avaient eu un atome d’honneur dans leur corps sale et pourri, ils auraient démissionné dare-dare des postes qu’ils accaparent justement pour briller par leur médiocrité. Ces gens-là, s’ils avaient été aux commandes du pays à l’heure où l’OTAN et ses sbires démolissaient la Libye, ils auraient tout bonnement exposé l’Algérie à la même tragédie.

Daesh et consorts frappent aux portes de l’Algérie et l’on continue par inconscience ou par hypocrisie à ignorer le danger que représente une telle mouvance pour le devenir du pays. On n’arrête pas de créer des foyers de tensions pour affaiblir l’État qui se démène déjà pour offrir paix et sérénité. Aux aguets, on ne rate aucune occasion pour mettre en péril le pouvoir en place, quitte à rompre l’équilibre général et à menacer la nation entière. Ces êtres-là ne reconnaissent pas les frontières géographiques et n’admettent pas l’idée de l’État Nation. Ils développent un concept bizarre en matière de gouvernance et veulent à tout prix appliquer la « charia », même s’il faut détruire tout le pays. Ibn Taymiya, référence et source à un certain islamisme rampant, n’avait-il pas sermonné un disciple et adepte qui l’avait apostrophé à propos de la primauté entre l’instauration de la charia islamique et la préservation de l’État ? Le sacré penseur n’hésita pas une seule seconde pour souligner la préséance de la sauvegarde du pays, car, lui expliqua-t-il, celui-ci est nécessaire pour appliquer celle-là !

 

Daesh est sœur jumelle d’Al-Qaida, dès lors que les deux sont nées d’une liaison illégitime entre un impérialisme répugnant et un wahhabisme dégoûtant. Finalement, les rejetons ne peuvent être que bâtards dans la mesure où ils ne s’adossent à aucun code génétique viable historiquement parlant. Les conséquences qui découlent d’une telle procréation sont on ne peut plus graves puisque, sans repères dignes pour se retrouver et si besoin se ressourcer, l’on évolue sans ce respect des principes moraux qui entraine la fierté et suscite l’admiration d’autrui. Si tu n’as point d’honneur, tu peux tout faire, dit la sagesse populaire.

 

Je prends du thé qui ne se boit plus trois fois. Hélas, en regardant passer la caravane monstrueuse de cette arabité devenue avilie, sordide et misérable, j’ingurgite le temps à petites doses comme un remède amer, mais ô combien nécessaire ! Même les chiens n’aboient plus quand celle-là s’annonce ; ils préfèrent observer sans interférer le désert se vider de son essence arabe dans le silence le plus complet. L’honneur et l’honorabilité, la dignité et la convenance, la chasteté et la décence, la fierté et la bienséance, la sagesse et la vertu se sont suicidés sur les murs immondes et crapuleux de ce monde déliquescent.

 

Cependant, en dépit de la tourmente dans laquelle je me débats, malgré cette fratrie décadente et dégénérée, il pousse dans le riche compost de mon espoir des turions, des surgeons et des boutures. Oui, mon futur comme mon avenir n’est pas tout à fait sombre, car de mes décombres et de mes ruines surgiront des enfants aussi intelligents que farouches pour lever l’affront et effacer toutes les déconfitures, les défaites, les débâcles, les nekbates et les nekssates.

 

Ayez pitié, enlevez cet imbécile que je ne saurais voir ! Ce sénile ne fait que pérorer à longueur de journée en draguant par-ci une télé, par-là un communiqué. Tu ferais mieux de te suicider, monsieur le révolutionnaire. Tu passes ton temps à t’admirer devant le miroir qui te renvoie une belle image de toi qui pourrait certainement plaire au regard de tes commanditaires. Tu te dévoues totalement au rôle qu’on t’a confié et tu t’en tires admirablement.

 

Que des Palestiniens de second ordre souffrent, endurent, pâtissent ou tout simplement meurent, monsieur n’éprouve aucun mal à trouver la formule adéquate pour sauver la face. Toujours tiré à quatre épingles, le maquisard des cinq étoiles et de la High society, des palaces et des palais, ne se fait pas prier pour faire des concessions savamment étudiées pour ne pas trop alerter l’opinion nationale. Plus de vingt ans de palabres n’ont pas eu raison de ce monsieur et de la clique qui l’entoure. Rompus au métier du verbe, ils excellent en la matière en ce sens qu’ils maitrisent l’élaboration de paroles bien soignées pour ne point affecter la sensibilité de l’ennemi qui condescend à s’asseoir à la même table. Ils sont experts dans la production des mots dits civilisés pour ne pas froisser la susceptibilité des vis-à-vis. Ces messieurs sont palestiniens de bouche à oreille. Quant à la souche, il se peut qu’elle louche quelque part, car il est aberrant de soutenir le contraire. À voir ces gens censés défendre et préserver les intérêts vitaux de la nation se démener pour les mettre en danger, on ne sait plus, alors, à quel saint se vouer.

 Benak in Les enfants de Gaza

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